Attention au « workslop »

Un dirigeant me confiait récemment : « J’ai lu le rapport : tout est propre, bien tourné… mais vide. On sent que c’est ChatGPT qui a parlé. »

Je le vois aussi.

Dans certaines productions.

Dans certains livrables.

Dans ces textes qui “sonnent bien” mais ne disent rien.

Ce phénomène a désormais un nom : le workslop.

Le workslop, ce qu’il cache

Une étude publiée par Harvard Business Review (2025) décrit le workslop comme un travail généré par l’IA qui semble abouti, mais n’apporte aucune valeur réelle.

Selon BetterUp Labs, 40 % des employés déclarent avoir reçu du workslop ce mois-ci. Et chaque fois, il faut en moyenne deux heures pour le corriger.

« Je devais relire, recontextualiser, corriger… parfois refaire moi-même ce que mon collègue aurait dû livrer. » — Témoignage cité par BetterUp (2025)

Le danger, c’est que la charge de travail se déplace : celui qui produit “gagne du temps”, celui qui reçoit en perd beaucoup plus.

Un autre cas très parlant

Un dirigeant me racontait récemment une scène qu’il reconnaît encore avec un peu de honte. Il devait remettre un dossier important. 

Pressé par le temps, il a tout fait passer dans l’IA.

Copier. Coller.

Résultat : un document fluide… mais incohérent.

Quand son partenaire l’a lu, il lui a dit : « Je n’ai pas compris. Ce n’est pas clair. Qu’est-ce que vous voulez dire ? »

Et là, il a su. Il avait “torché” le texte. Pas de relecture. Pas de vérification. Il savait qu’il avait laissé son professionnalisme à la porte.

Je lui ai dit : « Ce que vous venez de me décrire, c’est exactement du workslop. »

Parce que oui, l’IA peut nous faire gagner du temps. Mais si ce temps gagné, on ne le réinvestit pas dans :

• la qualité, 
• la relecture, 
• le sens, 

alors on ne gagne rien. On creuse juste un vide plus vite.

Pourquoi ça explose aujourd’hui

1. La vitesse avant tout

L’IA promet l’efficacité. Mais la rapidité est devenue un réflexe. Le fond disparaît derrière le “faire vite”.

2. Le manque d’appropriation

Beaucoup utilisent l’IA sans y mettre leur posture. 

Sous prétexte de “manque de temps”, on oublie d’y injecter sa pensée, sa rigueur, ses valeurs. 

Livrer un texte creux, c’est engager sa crédibilité.

3. La culture d’entreprise

Quand la culture valorise le volume plutôt que la profondeur, le workslop devient une habitude. 

Livrer vite, c’est parfois livrer vide.

4. L’illusion du beau texte

Parce que le rendu est fluide et structuré, on croit que c’est juste. 

Mais une phrase claire n’est pas forcément une idée claire.

C’est le piège du “joli” qui masque le “vide”.

L’outil n’est pas le problème : c’est notre posture

Croire que “bien prompter” suffit, c’est oublier l’essentiel.

L’IA ne pense pas. Elle exécute.

C’est à vous de :

• donner le cadre et le contexte
• vérifier le sens et les transitions
• injecter votre ton, votre logique, votre regard

Sans cela, le résultat reste une coquille brillante… mais creuse.

Ce qu’on risque

Perte de crédibilité

Plus de 50 % des destinataires jugent les auteurs de workslop moins fiables et moins créatifs (HBR, 2025).

Coûts invisibles

Des heures passées à corriger, reformuler, réancrer.

Érosion de la confiance

Si les livrables manquent de fond, les équipes doutent — même inconsciemment — de la compétence de ceux qui les produisent.

Adoption IA sans culture du sens

Une transformation rapide, mais sans racines.

Et maintenant ?

Dirigeants, responsables, chefs de projet…

Il existe souvent un angle mort dans les transformations en cours. Vous équipez, vous formez, vous avancez vite.

• Mais savez-vous vraiment comment vos équipes utilisent l’IA ?
• Avez-vous cadré les usages ? Défini une charte, une posture, un cadre de sens ?

Parce que si vous ne savez pas ce qui se produit dans votre entreprise, vous engagez votre image, votre crédibilité, et parfois la confiance de vos partenaires.

Et même quand les collaborateurs ont été “formés”, sans suivi, sans retours d’expérience, sans relais internes, le risque reste entier.

Cadrer, c’est protéger votre entreprise.

Et c’est surtout reconnecter vos pratiques au sens.

Ce que je propose

Remettre de la profondeur dans les usages.

Pas plus de prompts. Plus de conscience.

Revaloriser la qualité, la cohérence, le sens.

Parce que l’IA ne travaille pas à notre place.

Elle travaille à la place de ce qu’on ne prend plus le temps de faire.

Alors reprenons le temps de penser.

Et s’il est temps d’ouvrir ce sujet dans votre entreprise, commençons par en parler.

À propos de l’auteur

Micheline Boutrin Deroire

Fondatrice de PAS À PAS DIGITAL, consultante stratégique en IA appliquée aux métiers et à la transformation humaine des organisations.

Elle accompagne les cadres, dirigeants et responsables d’équipe qui souhaitent intégrer l’intelligence artificielle dans leurs pratiques, en cultivant une posture managériale consciente et une culture du changement alignée.

Son approche relie quatre axes : IA, optimisation numérique, usages et posture — pour transformer sans se perdre.

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